Aide aux médias – le mot qui manque…

Les prochaines votations fédérales se rapprochent à grands pas et je prends la plume in extremis pour vous recommander de voter OUI au train de mesure pour le soutien aux médias. C’est un sujet qui me passionne et qui me touche de près. Entre autres parce que le journalisme a été mon premier métier et que je suis donc bien placée pour le comprendre. Cette expérience me permet de mesurer chaque jour à quel point la pratique du journalisme est mal interprétée et mal comprise. En lisant la documentation explicative autour de ce «train de mesures en faveur des médias», il m’apparaît également que la communication autour de ce projet fédéral ne fait pas exception à la règle: dans l’intitulé officiel, il manque le mot magique!

Non, le mot magique, dans ce cas de figure, ce n’est pas «s’il vous plaît»! Le mot magique, c’est «information». En parcourant la documentation officielle de la Chancellerie, je n’ai pas trouvé ce mot à l’endroit où il aurait dû figurer. C’est pourtant la mission commune et la raison d’être des différents organes de presse, petits et grands, nationaux et régionaux, écrits et audiovisuels, que nous sommes appelés à soutenir lors de ce scrutin. Alors que le débat se cristallise autour de la taille des entreprises concernées, de leur actionnariat et de leur cote de sympathie, moi, j’aurais plutôt souhaité qu’on éclaircisse la nature de leur activité en précisant que le soutien est accordé aux médias «d’information».

L’information, un métier

Qu’est-ce que l’information? Dans la jungle des «médias» assimilés actuellement à tous producteurs de contenus, portés indifféremment par la logique des plateformes sociales, qu’ils soient blogueurs, influenceurs, égéries ou fakers, la réponse n’est pas si évidente. Comment légitimer l’information? A ce titre, le préambule de la Déclaration des droits et des devoirs du journaliste publiée par Impressum est éclairant. Le professionnalisme devrait agir comme fil rouge dans ce projet de soutien aux «médias», car le journalisme est un métier, avec une déontologie et des règles claires (reflet de la diversité des opinions, protection des sources, droit de réponse, etc.). Dès lors, à mon sens, le débat, ce n’est pas de savoir si tel éditeur ou groupe de presse mérite plus qu’un autre d’être subventionné, c’est de savoir si les conditions sont toujours réunies, au sein de ces entreprises diverses et variées dont le cœur d’activité est l’information, pour que les journalistes puissent exercer correctement leur métier et leur mission d’intérêt public.

Aujourd’hui, cette mission est mise à mal par le déplacement des budgets publicitaires sur des plateformes qui ne sont PAS régies par des missions d’information (mais par le tiroir-caisse de Mark Zuckerberg) et la pression toujours plus grande sur les équipes productives au sein des médias d’information. S’il porte le goût amer d’un modèle économique aujourd’hui défaillant, ce paquet de subventions ciblées est néanmoins une nécessité pour préserver ces édifices fragilisés, garants d’une information fiable et professionnelle.

Ma seule réserve concerne le soutien dévolu à la «presse associative», qui ne relève justement pas, selon moi, de la presse; je ne vois pas bien en quoi les groupes d’intérêt, sous prétexte qu’ils éditent une «publication propre» peuvent être assimilés à des médias, précisément parce qu’ils n’ont PAS la vocation d’informer mais celle de communiquer! Nos autorités fédérales font semblant de ne pas avoir compris, signe d’un compromis typiquement helvétique favorable aux activités de lobbying avec lequel je peux vivre dans ce contexte, mais sans plus.

Revaloriser le métier de journaliste

Ce qui me tient à cœur, c’est que ce soutien, notamment à travers les mesures dites «générales» permette au plus grand nombre d’employeurs de la branche, petits et grands, de poursuivre leur activité en engageant des journalistes professionnels. Car ce qui mérite d’être soutenu, protégé, renforcé et revalorisé, c’est le métier de journaliste.

Vous me trouvez idéaliste, vous pensez qu’il y a trop de «mauvais» journalistes, mais croyez-moi: quand il n’y aura plus de journalistes professionnels, vous les regretterez! Si ce métier meurt, victime collatérale de la machine de guerre des GAFAM (qui n’ont nullement pour vocation d’informer!), il est certain que des énergies se mobiliseront pour le faire renaître de ses cendres. Le journalisme sera un phœnix. Car la démocratie ne peut s’en passer.

Je croise les doigts. En tant que communicante et en tant que députée, je compte bien que les journalistes puissent continuer à contrarier mes plans. Car c’est leur métier et leur rôle.

C’est ce que je rappelle régulièrement à mes employeurs et collègues politiciens: le prisme des professionnels de l’information fait certes souvent obstacle à nos «communications» telles qu’on les aurait rêvées, mais paradoxalement, leur donne aussi de la valeur. C’est en effet cet équilibre et cette «tension» qui sont non seulement le fondement de toute crédibilité, tant du côté du journaliste que du côté du porteur de message, mais aussi la condition sine qua non, dans une démocratie, de l’existence ou de la survie d’une profession dont la mission affirmée est la production d’une information fiable et indépendante.

Car c’est bien pour défendre et renforcer cette mission essentielle et décisive du journalisme que le peuple suisse est appelé à se prononcer sur ces soutiens accordés aux employeurs, pour le plus grand bien du débat démocratique et de l’information d’intérêt public. Ne vous trompez pas de combat et votez OUI à l’aide aux médias.

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